Il existe
deux systèmes sur l'origine et la formation de la terre.
Selon l'opinion la plus commune, celle qui paraît
généralement adoptée par la science, elleserait le
produit de la condensation graduelle de la matière cosmique
sur un point déterminé de l'espace ; il en serait de même de
toutes les planètes.
Selon un
autre système, préconisé dans ces derniers temps, d'après la
révélation d'un Esprit, la terre serait formée de
l'incrustation de quatre satellites d'une ancienne planète
disparue ; cette adjonction aurait été le fait de la volonté
propre de l'âme de ces planètes ; un cinquième satellite,
notre lune, se serait refusé, en vertu de son libre arbitre,
à cette association. Les vides laissés entre eux par
l'absence de la lune auraient formé les cavités remplies par
les mers. Chacune de ces planètes aurait apporté avec elle
les êtres cataleptisés, hommes, animaux et plantes,
qui lui étaient propres ; ces êtres, sortis de leur
léthargie, après l'adjonction opérée et l'équilibre rétabli,
auraient peuplé le globe composé actuel. Telle serait
l'origine des races mères de l'homme sur la terre : race
nègre en Afrique, race jaune en Asie, race rouge en Amérique
et race blanche en Europe.
Quel est
celui de ces deux systèmes que l'on peut regarder comme
l'expression de la vérité ?
On voudra
bien solliciter à ce sujet, comme sur les autres questions,
une solution explicite et raisonnée.
Remarque.
- Cette question et quelques autres qui s'y rattachent,
s'écartent, il est vrai, du point de vue moral qui est le
but essentiel du Spiritisme ; c'est pourquoi on aurait tort
d'en faire l'objet de ses préoccupations constantes ; nous
savons, d'ailleurs, qu'en ce qui concerne le principe des
choses, les Esprits, ne sachant pas tout, ne peuvent dire
que ce qu'ils savent ou ce qu'ils croient être ; mais comme
il est des personnes qui pourraient tirer de la divergence
de ces systèmes une induction contre l'unité du Spiritisme,
précisément parce qu'ils sont formulés par des Esprits, il
est utile de pouvoir comparer les raisons pour ou contre
dans l'intérêt même de la doctrine, et d'appuyer sur
l'assentiment de la majorité le jugement que l'on peut
porter sur la valeur de certaines communications.
On trouve
la proposition suivante dans une brochure intitulée :
aperçu de la religion harmonique.
« Dieu a
créé l'homme, la femme et tous les êtres les plus beaux et
les meilleurs ; mais il a accordé aux âmes d'astres la
puissance de créer des êtres d'un ordre inférieur, afin de
compléter leur mobilier, soit par la combinaison de leur
propre fluide prolifique, connu pour notre globe sous le nom
d'aurore boréale, soitpar la combinaison de
ce fluide avec celui des autres astres. Or, l'âme du globe
terrestre jouissant comme les âmes humaines de son libre
arbitre, c'est-à-dire de la faculté de choisir la voie du
bien ou celle du mal, s'est laissé entraîner dans cette
dernière voie. De là les créations imparfaites et mauvaises,
telles que les animaux féroces et venimeux, et les végétaux
qui produisent des poisons. Mais l'humanité fera disparaître
ces êtres nuisibles lorsque, étant d'accord avec l'âme de la
terre pour marcher dans la voie du bien, elle s'occupera
d'une manière plus intelligente de la gestion du globe
terrestre, sur lequel sera créé un mobilier plus parfait. »
Qu'y
a-t-il de vrai dans cette proposition, et que doit-on
entendre par l'âme de la terre ?
On lit
dans le même ouvrage le passage suivant, cité comme extrait
de la Clef de la vie, page 754 :
« L'âme
est de nature lumineuse divine : elle a la forme de l'être
humain qu'elle anime. Elle réside dans un espace situé dans
la substance cérébrale médiane qui réunit les deux lobes du
cerveau par leur base. Chez l'homme harmonieux et dans
l'unité, l'âme, diamant éblouissant, est coiffée d'une
couronne lumineuse blanche : c'est la couronne de
l'harmonie. »
« Tant
que les Esprits habitent les régions planétaires, ils sont
obligés de se réincarner pour progresser. Dès qu'ils sont
arrivés dans les régions solaires, ils n'ont plus besoin de
se réincarner, ils progressent en allant habiter d'autres
soleils d'un ordre supérieur ; et de ces soleils d'un ordre
supérieur, ils passent dans les régions célestes. La voie
lactée, dont la lumière est si douce, est le séjour des
anges ou Esprits supérieurs. »
Selon la
doctrine enseignée par un Esprit, aucun Esprit humain ne
peut se manifester ni se communiquer aux hommes, ni servir
d'intermédiaire entre Dieu et l'humanité, attendu que, Dieu,
étant tout-puissant et partout, n'a pas besoin d'auxiliaires
pour l'exécution de ses volontés, et qu'il fait tout par
lui-même. Dans toutes les communications dites spirites,
c'est Dieu seul qui se manifeste en prenant la forme, dans
les apparitions, et le langage, dans les communications
écrites, des Esprits que l'on évoque et auxquels on croit
parler. En conséquence, dès qu'un homme est mort, il ne peut
plus y avoir de relations entre lui et ceux qu'il a laissés
sur la terre, avant que, par une suite de réincarnations
successives pendant lesquelles ils progressent, ils n'aient
atteint le même degré d'avancement dans le monde des
Esprits. Dieu seul pouvant se manifester, il en résulte que
les communications grossières, triviales, blasphématoires et
mensongères sont également données par lui, mais comme
épreuve, de même qu'il donne les bonnes pour instruire. L'Esprit
qui a dicté cette théorie dit nécessairement être Dieu
lui-même ; sous ce nom il a formulé très longuement toute
une doctrine philosophique, sociale et religieuse.
Que
faut-il penser de ce système, de ses conséquences et de la
nature de l'Esprit qui l'enseigne ?
Que
penser de la théorie émise à ce sujet dans l'article publié
ci-dessus par M. Allan Kardec ?
________
Du
Surnaturel,
Par M.
Guizot.
(2°
article. - Voir le numéro de décembre 1861.)
Nous
avons publié, dans notre dernier numéro, l'éloquent et
remarquable chapitre de M. Guizot sur le Surnaturel, et au
sujet duquel nous nous sommes proposé de faire quelques
remarques critiques qui n'ôtent rien de notre admiration
pour l'illustre et savant écrivain.
M. Guizot
croit au surnaturel ; sur ce point, comme sur beaucoup
d'autres, il importe de bien s'entendre sur les mots. Dans
son acception propre, surnaturel signifie ce qui est
au-dessus de la nature, en dehors des lois de la nature. Le
surnaturel, proprement dit, n'est donc point soumis à des
lois ; c'est une exception, une dérogation aux lois
qui régissent la création ; en un mot, il est synonyme de
miracle. Du sens propre, ces deux mots ont passé dans le
langage figuré, où l'on s'en sert pour désigner tout ce qui
est extraordinaire, surprenant, insolite ; on dit d'une
chose qui étonne qu'elle est miraculeuse, comme on dit d'une
grande étendue qu'elle est incommensurable, d'un grand
nombre qu'il est incalculable, d'une longue durée qu'elle
est éternelle, quoique, à la rigueur, on puisse mesurer
l'une, calculer l'autre, et prévoir un terme à la dernière.
Par la même raison, on qualifie de surnaturel ce qui, au
premier abord, semble sortir des limites du possible. Le
vulgaire ignorant est surtout très porté à prendre ce mot à
la lettre pour ce qu'il ne comprend pas. Si l'on entend par
là ce qui s'écarte des causes connues, nous le voulons bien,
mais alors ce mot n'a plus de sens précis, car ce qui était
surnaturel hier ne l'est plus aujourd'hui. Que de choses,
considérées jadis comme telles, la science n'a-t-elle pas
fait rentrer dans le domaine des lois naturelles ! Quelques
progrès que nous ayans
faits, pouvons-nous nous flatter de connaître tous les
secrets de Dieu ? La nature nous a-t-elle dit son dernier
mot sur toutes choses ? Chaque jour ne vient-il pas donner
un démenti à cette orgueilleuse prétention ? Si donc ce qui
était surnaturel hier ne l'est plus aujourd'hui, on peut
logiquement en inférer que ce qui est surnaturel aujourd'hui
peut ne plus l'être demain. Pour nous, nous prenons le mot
surnaturel dans son sens propre le plus absolu, c'est-à-dire
pour désigner tout phénomène contraire aux lois de la
nature. Le caractère du fait surnaturel ou miraculeux est
d'être exceptionnel ; dès lors qu'il se reproduit, c'est
qu'il est soumis à une loi connue ou inconnue, et il rentre
dans l'ordre général.
Si l'on
restreint la nature au monde matériel, visible, il
est évident que les choses du monde invisible seront
surnaturelles ; mais le monde invisible étant lui-même
soumis à des lois, nous croyons plus logique de définir la
nature : L'ensemble des œuvres de la création régies par
leslois immuables de la Divinité. Si,
comme le démontre le Spiritisme, le monde invisible est une
des forces, une des puissances réagissant sur la matière, il
joue un rôle important dans la nature, c'est pourquoi les
phénomènes spirites ne sont pour nous ni surnaturels, ni
merveilleux, ni miraculeux ; d'où l'on voit que le
Spiritisme, loin d'étendre le cercle du merveilleux, tend à
le restreindre et même à le faire disparaître.
M.
Guizot, avons-nous dit, croit au surnaturel, mais dans le
sens miraculeux, ce qui n'implique nullement la croyance aux
Esprits et à leurs manifestations ; or, de ce que, pour
nous, les phénomènes spirites n'ont rien d'anomal, il ne
s'ensuit pas que Dieu n'ait pu, dans certains cas, déroger à
ses lois, puisqu'il a la toute-puissance. L'a-t-il fait ? Ce
n'est pas ici le lieu de l'examiner ; il faudrait pour cela
discuter, non le principe, mais chaque fait isolément ; or,
nous plaçant au point de vue de M. Guizot, c'est-à-dire de
la réalité des faits miraculeux, nous allons essayer de
combattre la conséquence qu'il en tire, savoir que : la
religionn'est pas possible sans surnaturel, et
prouver au contraire que de son système découle
l'anéantissement de la religion.
M. Guizot
part de ce principe que toutes les religions sont fondées
sur le surnaturel. Cela est vrai si l'on entend par là ce
qui n'est pas compris ; mais si l'on remonte à l'état des
connaissances humaines à l'époque de la fondation de toutes
les religions connues, on sait combien était alors borné le
savoir des hommes en astronomie, en physique, en chimie, en
géologie, en physiologie, etc. ; si, dans les temps
modernes, bon nombre de phénomènes aujourd'hui parfaitement
connus et expliqués ; ont passé pour merveilleux, à plus
forte raison devait-il en être ainsi dans les temps reculés.
Ajoutons que le langage figuré, symbolique et allégorique en
usage chez tous les peuples de l'Orient, se prêtait
naturellement aux fictions, dont l'ignorance ne permettait
pas de découvrir le véritable sens ; ajoutons encore que les
fondateurs des religions, hommes supérieurs au vulgaire, et
sachant plus que lui, ont dû, pour impressionner les masses,
s'entourer d'un prestige surhumain, et que certains
ambitieux ont pu exploiter la crédulité : voyez Numa ; voyez
Mahomet et tant d'autres. Ce sont des imposteurs,
direz-vous. Soit ; prenons les religions issues de la loi
mosaïque ; toutes adoptent la création selon la Genèse ; or,
y a-t-il en effet quelque chose de plus surnaturel que cette
formation de la terre, tirée du néant, débrouillée du chaos,
peuplée de tous les êtres vivants, hommes, animaux et
plantes, tout formés et adultes, et cela en six fois
vingt-quatre heures, comme par un coup de baguette magique ?
N'est-ce pas la dérogation la plus formelle aux lois qui
régissent la matière et la progression des êtres ? Certes,
Dieu pouvait le faire ; mais l'a-t-il fait ? Il y a peu
d'années encore, on l'affirmait comme un article de foi, et
voici que la science replace le fait immense de l'origine du
monde dans l'ordre des faits naturels, en prouvant que tout
s'est accompli selon les lois éternelles. La religion
a-t-elle souffert de n'avoir plus pour base un fait
merveilleux par excellence ? Elle eût incontestablement
beaucoup souffert dans son crédit, si elle se fût obstinée à
nier l'évidence, tandis qu'elle a gagné en rentrant dans le
droit commun.
Un fait
beaucoup moins important, malgré les persécutions dont il a
été la source, c'est celui de Josué arrêtant le soleil pour
prolonger le jour de deux heures. Que ce soit le soleil ou
la terre qui ait été arrêtée, le fait n'en est pas moins
tout ce qu'il y a de plus surnaturel ; c'est une dérogation
à une des lois les plus capitales, celle de la force qui
entraîne les mondes. On a cru échapper à la difficulté en
reconnaissant que c'est la terre qui tourne, mais on avait
compté sans la pomme de Newton, la mécanique céleste de
Laplace et la loi de la gravitation. Que le mouvement de la
terre soit suspendu, non pas deux heures, mais quelques
minutes, la force centrifuge cesse, et la terre va se
précipiter sur le soleil ; l'équilibre des eaux à sa surface
est maintenu par la continuité du mouvement ; le mouvement
cessant, tout est bouleversé ; or, l'histoire du monde ne
fait pas mention du moindre cataclysme à cette époque. Nous
ne contestons pas que Dieu ait pu favoriser Josué en
prolongeant la clarté du jour ; quel moyen employa-t-il ?
nous l'ignorons ; ce pouvait être une aurore boréale, un
météore ou tout autre phénomène qui n'eût rien changé à
l'ordre des choses ; mais, à coup sûr, ce ne fut pas celui
dont on a fait pendant des siècles un article de foi ; que
jadis on l'ait cru, c'est assez naturel, mais aujourd'hui
cela n'est pas possible, à moins de renier la science.
Mais,
dira-t-on, la religion s'appuie sur bien d'autres faits qui
ne sont ni expliqués ni explicables. Inexpliqués, oui ;
inexplicables, c'est une autre question ; sait-on les
découvertes et les connaissances que nous réserve l'avenir ?
Ne voit-on pas déjà, sous l'empire du magnétisme, du
somnambulisme, du Spiritisme, se reproduire les extases, les
visions, les apparitions, la vue à distance, les guérisons
instantanées, les enlèvements, les communications orales et
autres avec les êtres du monde invisible, phénomènes connus
de temps immémorial, considérés jadis comme merveilleux, et
démontrés aujourd'hui appartenir à l'ordre des choses
naturelles selon la loi constitutive des êtres ? Les livres
sacrés sont pleins de faits qualifiés de surnaturels ; mais,
comme on en trouve d'analogues et de plus merveilleux encore
dans toutes les religions païennes de l'antiquité, si la
vérité d'une religion dépendait du nombre et de la nature de
ces faits, nous ne savons trop celle qui l'emporterait.
M.
Guizot, comme preuve du surnaturel, cite la formation du
premier homme qui a dû être créé adulte, parce que, dit-il,
seul, à l'état d'enfance, il n'eût pu se nourrir. Mais si
Dieu a fait une exception en le créant adulte, ne pouvait-il
en faire une en donnant à l'enfant les moyens de vivre, et
cela même sans s'écarter de l'ordre établi ? Les animaux
étant antérieurs à l'homme, ne pouvait-il réaliser, à
l'égard du premier enfant, la fable de Romulus et Rémus ?
Nous
disons du premier enfant, nous devrions dire des premiers
enfants ; car la question d'une souche unique de l'espèce
humaine est très controversée. En effet, les lois
anthropologiques démontrent l'impossibilité matérielle que
la postérité d'un seul homme ait pu, en quelques siècles,
peupler toute la terre, et se transformer en races noires,
jaunes et rouges ; car il est bien démontré que ces
différences tiennent à la constitution organique et non au
climat.
M. Guizot
soutient une thèse dangereuse en affirmant que nulle
religion n'est possible sans surnaturel ; s'il fait reposer
les vérités du christianisme sur la base unique du
merveilleux, il lui donne un appui fragile dont les pierres
se détachent chaque jour. Nous lui en donnons une plus
solide : les lois immuables de Dieu. Cette base défie le
temps et la science ; car le temps et la science viendront
la sanctionner. La thèse de M. Guizot conduit donc droit à
cette conclusion que, dans un temps donné, il n'y aura plus
de religion possible, pas même la religion chrétienne, si ce
qui est regardé comme surnaturel est démontré naturel.
Est-ce là ce qu'il a voulu prouver ? Non ; mais c'est la
conséquence de son argument, et l'on y marche à grands pas ;
car on aura beau faire et entasser raisonnements sur
raisonnements, on ne parviendra pas à maintenir la croyance
qu'un fait est surnaturel, quand il est prouvé qu'il ne
l'est pas.
Sous ce
rapport nous sommes beaucoup moins sceptique que M. Guizot,
et nous disons que Dieu n'est pas moins digne de notre
admiration, de notre reconnaissance et de notre respect pour
n'avoir pas dérogé à ses lois, grandes surtout par leur
immuabilité, et qu'il n'est pas besoin de surnaturel pour
lui rendre le culte qui lui est dû, et, par conséquent, pour
avoir une religion qui trouvera d'autant moins d'incrédules
qu'elle sera de tous points sanctionnée par la raison. Or,
selon nous, le christianisme n'a rien à perdre à cette
sanction ; il ne peut qu'y gagner : si quelque chose a pu
lui nuire dans l'opinion de beaucoup de gens, c'est
précisément l'abus du merveilleux et du surnaturel. Faites
voir aux hommes la grandeur et la puissance de Dieu dans
toutes ses œuvres ; montrez-lui sa sagesse et son admirable
prévoyance depuis la germination du brin d'herbe jusqu'au
mécanisme de l'univers : les merveilles ne manqueront pas ;
remplacez dans son esprit l'idée d'un Dieu jaloux, colère,
vindicatif et implacable, par celle d'un Dieu souverainement
juste, bon et miséricordieux, qui ne condamne pas à des
supplices éternels et sans espoir pour des fautes
temporaires ; que dès l'enfance il soit nourri de ces idées
qui grandiront avec sa raison, et vous ferez plus de fermes
et sincères croyants qu'en le berçant d'allégories que vous
le forcez de prendre à la lettre, et qui, plus tard,
repoussées par lui, le conduisent à douter de tout, et même
à tout nier. Si vous voulez maintenir la religion par
l'unique prestige du merveilleux, il n'y a qu'un seul moyen,
c'est de maintenir les hommes dans l'ignorance ; voyez si
c'est possible. A force de ne montrer l'action de Dieu que
dans des prodiges, dans des exceptions, on cesse de la faire
voir dans les merveilles que nous foulons aux pieds.
On
objectera sans doute la naissance miraculeuse du Christ, que
l'on ne saurait expliquer par les lois naturelles, et qui
est une des preuves les plus éclatantes de son caractère
divin. Ce n'est point ici le lieu d'examiner cette
question ; mais, encore une fois, nous ne contestons pas à
Dieu le pouvoir de déroger aux lois qu'il a faites ; ce que
nous contestons, c'est la nécessité absolue de cette
dérogation pour l'établissement d'une religion quelconque.
Le
Magnétisme et le Spiritisme, dira-t-on, en reproduisant des
phénomènes réputés miraculeux, sont contraires à la religion
actuelle, parce qu'ils tendent à ôter à ces faits leur
caractère surnaturel. Qu'y faire, si ces faits sont réels ?
On ne les empêchera pas, puisqu'ils ne sont pas le privilège
d'un homme, mais qu'ils se produisent dans le monde entier.
On pourrait en dire autant de la physique, de la chimie, de
l'astronomie, de la géologie, de la météorologie, de toutes
les sciences en un mot. Sous ce rapport, nous dirons que le
scepticisme de beaucoup de gens n'a pas d'autre source que
l'impossibilité, selon eux, de ces faits exceptionnels ;
niant la base sur laquelle on s'appuie, ils nient tout le
reste ; prouvez leur la possibilité et la réalité de ces
faits, en les reproduisant sous leurs yeux, ils seront bien
forcés d'y croire. - Mais c'est ôter au Christ son caractère
divin ! - Aimez-vous donc mieux qu'ils ne croient à rien du
tout que de croire à quelque chose ? N'y a-t-il donc que ce
moyen de prouver la divinité de la mission du Christ ? Son
caractère ne ressort-il pas cent fois mieux de la sublimité
de sa doctrine et de l'exemple qu'il a donné de toutes les
vertus ? Si l'on ne voit ce caractère que dans les actes
matériels qu'il a accomplis, d'autres n'en ont-ils pas fait
de semblables, à ne parler que d'Apollonius de Thyane, son
contemporain ? Pourquoi donc le Christ l'a-t-il emporté sur
ce dernier ? C'est parce qu'il a fait un miracle bien
autrement grand que de changer l'eau en vin, de nourrir
quatre mille hommes avec cinq pains, de guérir les
épileptiques, de rendre la vue aux aveugles et de faire
marcher les paralytiques ; ce miracle, c'est d'avoir changé
la face du monde ; c'est la révolution qu'a faite la simple
parole d'un homme sorti d'une étable pendant trois ans de
prédication, sans avoir rien écrit, aidé seulement de
quelques obscurs pêcheurs ignorants. Voilà le véritable
prodige, celui où il faut être aveugle pour ne pas voir la
main de Dieu. Pénétrez les hommes de cette vérité, c'est le
meilleur moyen de faire de solides croyants.