NHỮNG CUỘC
MẠN ĐÀM THÂN MẬT VỚI THẾ GIỚI BÊN KIA

Le Spiritisme chez Victor
Hugo
Ce récit est extrait du livre d'Auguste Vacquerie : les
Miettes de l'histoire. Celui-ci relate comment Victor
Hugo a découvert le Spiritisme
Mme de Girardin fit une visite à Victor Hugo, alors en exil
à Jersey, et lui parla du phénomène nouvellement importé
d'Amérique ; elle croyait fermement aux Esprits et à leurs
manifestations. « Le jour même de son arrivée, on eut de la
peine à lui faire attendre la fin du dîner ; elle se leva
dès le dessert et entraîna un des convives dans le
parloir, où ils tourmentèrent une table qui resta
muette. Elle rejeta la faute sur la table, dont la forme
carrée contrariait le fluide. Le lendemain, elle alla
acheter elle-même, dans un magasin de jouets d'enfants, une
petite table ronde à un seul pied terminé par trois griffes,
qu'elle mit sur la grande et qui ne s'anima pas plus que la
grande. Elle ne se découragea pas et dit que les Esprits
n'étaient pas des chevaux de fiacre qui attendaient
patiemment le bourgeois, mais des êtres libres et
volontaires qui ne venaient qu'à leur heure. Le lendemain,
même expérience et même silence. Elle s'obstina, la table
s'entêta. Elle avait une telle ardeur de propagande qu'un
jour, dînant chez des Jersiais, elle leur fit interroger un
guéridon, qui prouva son intelligence en ne répondant pas à
des Jersiais. Ces insuccès répétés ne l'ébranlèrent pas ;
elle resta calme, confiante, souriante, indulgente à
l'incrédulité ; l'avant-veille de son départ, elle nous pria
de lui accorder pour son adieu une dernière tentative. Je
n'avais pas assisté aux tentatives précédentes ; je ne
croyais pas au phénomène et ne voulais pas y croire. Je ne
suis pas de ceux qui font mauvais visage aux nouveautés,
mais celle-là prenait mal son temps et détournait Paris de
pensées que je trouvais au moins plus urgentes. Cette fois,
je ne pus pas refuser de venir à la dernière épreuve, mais
j'y vins avec la ferme résolution de ne croire qu'à ce qui
serait trop prouvé.
Mme de Girardin et un des assistants, celui qui voulut,
mirent leurs mains sur la petite table. Pendant un quart
d'heure, rien, mais nous avions promis d'être patients ;
cinq minutes après, On entendit un léger craquement ; ce
pouvait être l'effet involontaire des mains fatiguées ; mais
bientôt ce craquement se répéta, et puis ce fut une sorte de
tressaillement électrique, puis une agitation fébrile. Tout
à coup une des, griffes du pied se souleva. Mme de Girardin
dit : - « Y a-t-il quelqu'un ? S'il y a quelqu'un et qu'il
veuille nous parler, qu'il frappe un coup. » La griffe
retomba avec un bruit sec. y a quelqu'un ! s'écria Mme de
Girardin : faites vos questions. »
« On fit des questions, et la table répondit. La réponse
était brève, un ou deux, mots au plus, hésitante, indécise,
quelquefois inintelligible. Etait-ce nous qui ne la
comprenions pas ? Le mode de traduction des réponses prêtait
à l'erreur. Voici comment on procédait : on nommait une
lettre de l'alphabet, a, b, c, etc., à chaque coup de
pied de la table ; quand la table s'arrêtait, on marquait la
dernière lettre nommée. Mais, souvent, la table ne
s'arrêtait pas nettement sur une lettre ; on se trompait, on
notait la précédente ou la suivante ; l'inexpérience s'en
mêlant, et Mme de Girardin intervenant le moins possible
pour que le résultat fût moins suspect, tout s'embrouillait.
A Paris, Mme de Girardin employait, nous avait-elle dit, un
procédé plus sûr et plus expéditif elle avait fait faire
exprès une table avec un alphabet à cadran et une aiguille
qui désignait elle-même la lettre. - Malgré l'imperfection
du moyen, la table, parmi les réponses troubles, en fit qui
me frappèrent.
« Je n'avais encore été que témoin, il fallut être acteur à
mon tour ; j'étais si peu convaincu que je traitai le
miracle comme un âne savant à qui l'on fait deviner « la
fille la plus sage de la société » ; je dis à la table :
Devine le mot que je pense. Pour surveiller la réponse de
plus près, je me mis à la table moi-même avec Mme de
Girardin. La table dit un mot : c'était le mien. Ma
curiosité n'en fut pas entamée. Je me dis que le hasard
avait pu souffler le mot à Mme de Girardin, et Mme de
Girardin le souffler à la table ; il m'était arrivé à
moi-même, au bal de l'Opéra, de dire à une femme en domino
que je la connaissais, et, comme elle me demandait son nom
de baptême, de dire au hasard un nom qui s'était trouvé le
vrai ; sans même invoquer le hasard, j'avais très bien pu,
au passage des lettres du mot, avoir malgré moi, dans les
yeux ou dans les doigts, un tressaillement qui les avait
dénoncées. Je recommençai l'épreuve : mais, pour être
certain de ne pas trahir le passage des lettres, ni par une
pression machinale ni par un regard involontaire, je quittai
la table et je lui demandai, non le mot que je pensais, mais
sa traduction. La table dit : « Tu veux dire souffrance.
» Je pensais amour.
« Je ne fus pas encore persuadé. En supposant qu'on aidât la
table, la souffrance est tellement le fond de tout, que la
traduction pouvait s'appliquer à n'importe quel mot que
j'aurais pensé. Souffrance aurait traduit
grandeur, maternité, poésie, patriotisme, etc., aussi
bien qu’amour. Je pouvais donc être dupe, à la seule
condition que Mme de Girardin, si sérieuse, si généreuse, si
amie, mourante, eût passé la mer pour mystifier des
proscrits.
« Bien des impossibles étaient croyables avant celui là ;
mais j'étais déterminé à douter jusqu'à l'injure. D’autres
interrogèrent la table et lui firent déterminer leur pensée
ou des incidents connus d'eux seuls ; soudain elle sembla
s'impatienter de ces questions puériles ; elle refusa de
répondre, et, cependant, elle continua de s'agiter comme si
elle avait quelque chose à dire. Son mouvement devint
brusque et volontaire comme un ordre. Est-ce toujours le
même esprit qui est là ? demanda Mme de Girardin. La table
frappa deux coups, ce qui, dans le langage convenu,
signifiait non. – « Qui es-tu, toi? » La table répondit le
nom d'une morte vivante dans tous ceux qui étaient là...
« Ici, la défiance renonçait : personne n'aurait eu le cœur
ou le front de se faire, devant nous, un tréteau de cette
tombe. Une mystification était déjà bien difficile à
admettre, mais une infamie ! Le soupçon se serait méprisé
lui-même. Le frère questionna la sœur qui sortait de la mort
pour consoler l'exil ; la mère pleurait ; une inexprimable
émotion étreignait toutes les poitrines ; je sentais
distinctement la présence de celle qu'avait arrachée le dur
coup de vent. Où était-elle ? Nous aimait-elle toujours ?
Etait-elle heureuse? Elle répondait à toutes les questions
ou répondait qu'il lui était interdit de répondre. La nuit
s'écoulait, et nous restions là, l'âme clouée sur
l'invisible apparition. Enfin, elle nous dit : Adieu ! et la
table ne bougea plus.
« Le jour se levait, je montai dans ma chambre, et, avant de
me coucher, j'écrivis ce qui venait de se passer, comme si
ces choses-là pouvaient être oubliées. Le lendemain, Mme de
Girardin n'eut plus besoin de me solliciter, c'est moi qui
l'entraînai vers la table. La nuit encore y passa. Mme de
Girardin partait au jour, je l'accompagnai au bateau, et,
lorsqu'on lâcha les amarres, elle me cria : Au revoir ! Je
ne l'ai pas revue, mais je la reverrai.
« Elle revint en France faire son reste de vie terrestre,
Depuis quelques années, son salon était bien différent de ce
qu'il avait été. Les amis n'étaient plus là. Les uns étaient
hors de France, comme Victor Hugo ; les autres plus loin,
comme Balzac ; les autres plus loin, comme Lamartine ; elle
avait bien. encore tous les dues et tous les ambassadeurs
qu'elle voulait, mais la révolution de février ne lui avait
pas laissé toute, sa foi à l'importance des titres et des
fonctions, et les princes ne la consolaient pas des
écrivains. Elle remplaçait mieux les absents en restant avec
un ou deux amis et sa table. Les morts accouraient à son
évocation. Elle avait ainsi des soirées qui valaient bien
ses meilleures d'autrefois, et où les génies étaient
suppléés par les Esprits. Ses invités de maintenant étaient
Sedaine, Mme de Sévigné, Sapho, Molière, Shakespeare : c'est
parmi eux qu'elle est morte. Elle est partie sans résistance
et sans tristesse ; cette vie de la mort lui avait enlevé
toute inquiétude. Chose touchante, que, pour adoucir à cette
noble femme le dur passage, ces grands morts soient venus la
chercher !
« Le départ de Mme de Girardin ne ralentit pas mon élan vers
les tables. Je me précipitai éperdument vers cette grande
curiosité de la mort entr'ouverte.
« Je n’attendais plus le soir : dès midi je commençais, et
je ne finissais que le matin ; je m'interrompais tout au
plus pour dîner. Personnellement, je n'avais aucune action
sur la table, et je ne la touchais pas, mais je
l'interrogeais. Le mode de communication était toujours le
même, je m'y étais fait. Mme de Girardin m'envoya de Paris
deux tables une petite, dont un pied était un crayon qui
devait écrire et dessiner ; elle fut essayée une ou deux
fois, dessina médiocrement et écrivit mal ; l'autre était
plus grande, c'était cette table à cadran et alphabet, dont
une aiguille marquait les lettres. Elle fut rejetée
également après un essai qui n'avait pas réussi, et je m'en
tins exclusivement au procédé primitif, lequel, simplifié
par l'habitude et par quelques abréviations convenues, eut
bientôt toute la rapidité désirable. Je causais couramment
avec la table ; le bruit de la mer se mêlait à des
dialogues, dont le mystère s'augmentait de l'hiver, de la
nuit, de la tempête, de l'isolement. Ce n'étaient plus des
mots que répondait la table, mais des phrases et des pages.
Elle était, le plus souvent, grave et magistrale ; mais, par
moments, spirituelle et même, comique. Elle avait des accès
de colère ; je me suis fait insulter plus d'une fois, pour
lui avoir parlé avec irrévérence, et j'avoue que je n'étais
pas très tranquille avant d'avoir obtenu mon pardon. Elle
avait des exigences ; elle choisissait son interlocuteur,
elle voulait être interrogée en vers, et on lui obéissait,
et alors elle répondait elle-même en vers. Toutes ces
conversations ont été recueillies, non pas au sortir de la
séance, mais sur place, et sous la dictée de la table ;
elles seront publiées un jour et proposeront un problème
impérieux à toutes les intelligences avides de vérités
nouvelles. »
Cette narration est intéressante à plus d'un titre ; elle
montre que les Esprits ne sont pas aux ordres des
évocateurs, qu'ils viennent quand et comme bon leur semble.
Les hésitations, les défaillances que présentent le
phénomène même, ne doivent pas arrêter les chercheurs ; ils
doivent s'armer de patience et savoir persévérer s'ils
veulent obtenir des résultats.
Notons aussi que Vacquerie était chez Victor Hugo, lequel
assistait à ces manifestations ; or ces écrivains, bons
juges en matière de style, qualifient parfois les dictées de
la table de magistrales ; on voit que les Esprits ne
débitent pas toujours des banalités, comme on leur en fait
très souvent le reproche.
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